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Les membres de la communauté congolaise de Johannesburg sont souvent victimes des sévices et des mauvais traitements de la Police sud-africaine. A quoi attribuez-vous cela ?
Les sévices que subissent les émigrés Congolais en Afrique du Sud s’expliquent par la complicité entre les autorités politiques, les hommes d’affaires Sud-africains avec ˮ l’usurpateur ˮ de Kinshasa. Le dernier cas en date, c’est l’arrestation du prophète Mukungubila accusé d’être un » sans papier » selon l’indiscrétion d’un membre de la police qui se dit » gêné » quand l’intéressé exhiba tous ses papiers.
Ici à Jobourg, contrairement à Capetown ou Durban, vous êtes proche de notre ambassade située à Pretoria. Lors de ces tracasseries, recevez-vous un coup de main de la part de notre ambassadeur ?
Notre ambassade n’est d’aucun secours à ma connaissance. Pire, elle est même parfois complice comme dans le cas des arrestations en masse après la manifestation à Luthuli House [ndlr. Siège de l’ANC] suite » au vol à mains armées » de la victoire du peuple aux élections de 2011.
Les congolais qui vivent à Gauteng (Pretoria et Johannesburg) comptent beaucoup d’intellectuels parmi eux: des professeurs, des médecins, des journalistes, des membres des ONG, des étudiants, et de beaucoup des diplômés d’université. Etes-vous organisés pour faire face aux mauvais traitements dont sont victimes certains de vos membres ?
Malheureusement, la communauté congolaise n’est pas bien organisée pour prévenir ces tracasseries ou venir même venir au secours des victimes à l’instar des Nigérians par exemple. Je crois savoir que l’une des raisons est que l’Afrique du Sud n’est qu’une escale pour certains compatriotes. Ils vivent sur place et ont leur cœur ailleurs.
Est-il facile pour un jeune congolais diplômé d’université qui arrive à Jobourg d’avoir un travail ?
Pas du tout. Je suis sûre que beaucoup de nos compatriotes vivant ici doivent éprouver des difficultés pour soutenir les leurs au pays, beaucoup sont même soutenus par les parents au pays ou ayant émigré ailleurs car le travail ici est une denrée rare déjà pour les autochtones et a fortiori pour le Makwere-kwere. Des universitaires font les » car guard » dans les parkings et la sentinelle dans les sociétés.
Quelle stratégie, pensez-vous, peut aider à éradiquer la pauvreté et l’indigence au sein de la communauté congolaise locale ?
Nous essayons d’inculquer la stratégie de Spider Web (Toile d’Araignée) aux nôtres. Il est un fait que les Noirs travaillent dur pour gagner leur argent mais le dépensent aussitôt dans d’autres communautés alors que les autres achètent biens et services auprès des leurs ce qui permet à l’argent de circuler dans leur communauté. Quand nous essayons ceci au sein de notre communauté, nous allons des déboires en déboires.
Toutefois nous poursuivons notre bonhomme de chemin en nous disant que même si une seule personne arrivait a intérioriser cette théorie, notre communauté aura bénéficié. Selon la théorie Spider Webb, l’argent produit par l’un des membres actifs des autres races circule dans leurs communautés et aide d’autres membres à produire aussi leur propre argent. Ainsi, 1 $ produit par un Juif va passer par 9 mains avant de sortir de la communauté juive, par 6 mains chez les Indiens, Pakistanais …mais par 1/2 main chez le Noir !
Ceci explique du moins en partie, pourquoi la race Noire est arriérée économiquement par rapport aux autres. Jusque-là nous ne sommes pas encore arrivés à nous organiser pour apporter notre savoir à notre pays.
Parlons maintenant de la communauté congolaise de Johannesburg vue de l’intérieur. Il se dit souvent ici que ceux qui ont ˮ réussi ˮ, c’est-à-dire ceux qui ont fini par obtenir un travail convenable, s’isolent du reste de la communauté ? Est-ce que vous le faites, vous ?
Non. Dans la mesure du possible j’essaie de côtoyer les miens. Ecoutez ce que je pense des nôtres qui ont » réussi » et qui s’éloignent de ceux qui » se débrouillent » encore. Face à une calamite, tout être humain a deux attitudes: soit s’éloigner quand on n’a rien à apporter pour faire la différence, soit se rapprocher quand on a une contribution à faire. Pour ma part, j’ai une conviction personnelle que j’ai un rôle à jouer dans notre destin collectif de par ma marche avec Dieu Créateur, son intervention dans ma vie privée et dans ma famille restreinte. Voilà pourquoi je suis et avec ceux qui croient être » arrivés » et avec ceux qui se » débrouillent » encore car Dieu ne libère pas un pays mais Dieu élève toujours un leader du milieu du peuple et l’utilise alors comme instrument pour libérer son peuple en l’entourant de tous les talents nécessaires. Voilà pourquoi je suis au milieu de mon peuple. Je ne saurai ignorer les conditions difficiles dans lesquelles ils vivent.
Un autre problème qui sévit au sein de la communauté ici comme ailleurs est l’escroquerie dont sont auteurs certains membres de la diaspora congolaise. A Capetown il y a une expression lingala qui dit ceci : ˮ badefisaka congolais ya Afrique du sud mbongo te ˮ [mieux vaut ne pas prêter de l’argent a un congolais d’Afrique du Sud]. Le vivez-vous aussi ici à Jobourg ?
L’escroquerie par nos frères, c’est déplorable et ça décourage les bonnes volontés. Quand tu prêtes une somme d’argent il faut être préparé à ne pas être remboursé mais alors on ne sait pas assister plusieurs personnes qui vous approchent. J’ai été victime plus d’une fois. Ils avaient mille et une excuses pour ne pas payer leur loyer et un jour ils ont seulement quitté ma maison emportant tout ce qu’ils pouvaient arracher !
Un autre devait restaurer ma maison. Il disparut avec tout le matériel acheté, abandonnant même sa femme avec des jeunes enfants ! C’est vraiment décourageant mais comme nous savons que nul ne peut s’élever au-dessus de sa communauté, nous continuons à le faire…
Une dernière question. En tant que médecin, ne pensez-vous pas que la RDC a beaucoup à apprendre de l’Afrique du Sud en matière de lutte contre le SIDA ?
Bien sûr. On ne peut pas comparer l’Afrique du Sud et notre pays sur ce point. L’Afrique du Sud a réussi ces prouesses grâce à l’ONG Action Campain qui a forcé la main au gouvernement en trainant le Président Thabo Mbeki en justice. Le gouvernement fut condamné et la pression aboutit à ce programme ambitieux de prise en charge des victimes du HIV dont le succès le plus éclatant est une réduction de la transmission verticale du VIH de la femme enceinte à son bébé de 30 % à moins de 2 %. C’est dire que dans quelques années il n’y aura plus de cas de SIDA en Pédiatrie.
On ne peut dire telle chose pour notre pays où ce virus fut utilisé comme arme biologique par les impérialistes dans leur stratégie de la colonie de peuplement qui extermine les Bantu et autres peuples en vue de créer un Tutsiland en Afrique Centrale pour leurs protégés.
N’est-ce pas une accusation gratuite, ça ?
Vous avez surement entendu vous-même la première dame de la France dévoiler et condamner le fait que des soldats rwandais infectés par ce virus étaient payes et envoyés chez nous pour inoculer volontairement le VIH aux femmes, hommes, filles et enfants par le viol de masse qu’ ils utilisaient comme arme psychologique puissante pour forcer les villageois à abandonner leur terre et pour déchirera l’âme de la nation. Je ne pense pas que cette grande dame parlait à la légère.
Beston Mutamba a dit:
Ah merci papa Emmanuel pour ce recit qui est pour moi telle une prime d’encouragement qu’on donne aux militaires aux fronts, j’ai apris une grande lecon, l’echec fait partie de la victoire, c’est une experience qui conduit a la reussite, echouer c’est perdre une bataille et non la guerre.
A maman Kanku, je dis merci pour avoir raconter meme l’histoire la plus humiliante de sa vie, je lui demande encore si cela serait possible de faire une oeuvre tel the long way for peace de Nelson Mandela qui raconterait en details cette experience d’un medecin qui a persever dans l’exercice de la profession.
Car dans dix ans l’assemblee nationale congolaise sera remplie de medecin qui abandoneraient leur profession a cause des conditions precaires de travail.
J’en profite pour vous dire la position d’un confrere medecin qui me disait lui ne peut en aucun cas admettre que son enfant etudie la medecine car c’est une perte de temps et de moyens.
emmanuel1ngeleka a dit:
Tu es jeune médecin qui a de l’avenir. Le témoignage de maman Kanku peut t’apprendre beaucoup. Tant mieux pour toi. Mais je ne crois pas qu’il soit utile seulement aux toubibs. A tant d’autres aussi.
Pascal Mpiana a dit:
Je pense que bien que vous soyez expatrié dan ce pays vous pouvez aussi penser à nous qui sommes restés au pays, pas en nous aidant matériellement mais plutôt dans le sens de chercher des idées à la source. Je voudrais vous dire que ces récits sont très poignants, en un certain moment je me dits à quoi bon quitter mon pays.
Mais chacun de nous possède ses raisons qui l’ont poussé à quitter le pays.
Je loue beaucoup votre initiative, et maintenant la question que je vous pose: qu’est ce que nous qui sommes restés au pays pouvons faire afin de contribuer à ce travail qui me paraît très énorme ?
Merci beaucoup
emmanuel1ngeleka a dit:
Merci beaucoup pour votre intervention. Je voudrais vous dire que ce blog est ouvert a tous, membres de la diaspora ou ceux qui vivent là-bas au pays. Pour peu que vous avez quoi dire, je me ferais un plaisir de vous joindre par email.
Si vous lisez attentivement le récit de maman Kanku, vous ne manquerez pas d’y identifier même un petit rien que vous pouvez apprendre. C’est une femme courageuse, pleine d’initiative, généreuse et surtout travailleuse qui a » de l’énergie a revendre » , comme elle se définit elle-même.
Si vous avez des suggestions a nous faire, cher Pascal, n’hésitez pas un seul instant: ce blog est le votre.
Merci encore, mon cher Pascal et bon courage!
Bruno KASONGA a dit:
Cher Ngeleka, Bravo pour l’initiative pour cette interview. J’ai appris à découvrir qui est qui après l’avoir rencontré sur le web. Ensuite, ton travail aide le peuple à quitter l’oralité pour l’écrit. Je salue la bravoure de Dr Kanku Katombe. Ce que tu sème ta rapportera.
emmanuel1ngeleka a dit:
Cher Bruno, merci pour tes propos aimables. I may say that I just try. Vos encouragement sont les bienvenues et je les apprécie.
adel a dit:
beau témoignage de réussite, motivant